mercredi 26 janvier 2011

Ugly Kid Gumo From SouthSide

Moi Gumo, Ugly kid,
Je suis un banlieusard, un numéro dans l'équation de l'aglutinement au mètre carré, c'est ma condition et qu'importe ce qu'en pensent les gens, c'est cet univers qui m'a fait. Tu veux comprendre, seul l'immersion totale est possible. Ici c'est sud sale alors FUCK Paris.
Les couleurs pastels sont teintées de gris, celui du béton délavé, du goudron fatigué, du RER arrêté à quai. Ma vie c'est mon parcours quotidien, un univers fait d'architectures mutilées et fantastiques, pleines de formes qui t'absorbent vers le fond.
Mon langage c'est celui de ma 91ème banlieue, encore différent de celui du 93, du 94. C'est un code de mots, d'expressions, de signes. En fin de compte l'école ayant cessé de remplir son rôle éducatif, les enfants apprennent le vocabulaire nécessaire à leur "survie" quotidienne dans un environnement faunique de mamies promenant leurs chiens & chats et de jeunes usant le chêne des bancs, un litron de Despe dans une main et un pilon dans l'autre, à refaire le monde d'après le 20 minutes et les applications Ihone.
Ici lorsqu'on veut se parler ça textote, ça écrit sur les murs, si tu cherches un échantillon de notre riche langage, regarde le vitrage du RER B et ses banquettes, faute de stylos on lacère et on grave, après tout, nos ancêtres l'ont fait et ça a fini au musée.. C'est un dictionnaire de noms propres et figurés, de temps à autre un message personnel adressé à la Police ou au service d'ordre de la RATP, toujours présent aux heures ou seules les mouches fréquentent les wagons.
Lorsque je regarde les informations le monde me fait peur, ici on a pas de problème de relation entre communautés, tout le monde parle un peu de tout, les marocains speak portugais mieux qu'arabe, les portugais parlent...franç'gais,sûrement les trop longs étés au bled, les asiat' parlent américain from L.A avec l'accent de la porte d'Italie et des grands magasins du dimanche, sandwich Viet' et jeux de Go .
Du coup le Ramadan c'est un peu pour tout le monde puisqu'on profite autant que ceux qui se privent des délicieux desserts d'Abibah une fois la nuit tombée, y a plus de Bible, de Coran et de Tanakh dans les cartables  que de Balzac ou de Molière, on fête Laïd, Noel, le Têt, le mouton, le veau d'or, le vaudou sans se poser de question, enfin de compte c'est pour ça qu'on s'appelle tous "Frères" !
Si tu aimes la solitude on a de jolis petits parcs clotûrés avec des grillages affaiblis, des terrains de foot à revendre ou il faut jouer avant 20h sinon on doit venir avec des lampes torches pour voir la balle, faute de bars ouverts on a des caves 4 étoiles ou jouer aux cartes et faire ses devoirs, papa, maman ayant déja abandonné l'idée de faire quelque chose de nous, médecin, banquier, prof... Par contre jamais on entend au moment des orientations, "Mme, comment je fais pour entrer dans la police?", c'est pas qu'on ne l'aime pas, il suffit de lire les murs derrière le gymnase municipal, "on baise les keufs", c'est bien qu'il y a de l'Amour, mais les médias veulent du sensas'...De l'Amour on en a à revendre, il suffit de lire les messages au Typex ou à la flamme sur les plafonds des entrées ou couloirs d'immeubles, sur les tables de classe ou sur le bois des bancs. On a tellement peur de perdre ce fragile équilibre qui nous unis qu'il suffit de voir comment on le protège avec des pas grands choses, mes voisins par exemple ont pensé à casser les bouteilles de Champagne à Noël et à couler de magnifiques tessons dans le ciment de leur interminable mur, lorsque le soleil le frappe, cela renvoie la lumière d'une manière totalement catholique. D'autres encore dressent une végétation luxuriante et carnivore, dans laquelle se mêle toutes sortes de carillons.
C'est en ça que la ville est mon moteur principal et au delà, la banlieue, ma Banlieue.
On cherche loin alors qu'on a le monde à notre porte, surtout le 1er mercredi du mois avec le passage des encombrants. La rue devient une brocante à ciel ouvert ou l'on s'échange, on récupère, on ramasse tout ce que l'autre s'est contenté de jeter sur son pas de porte. Cela forme comme des montagnes d'une consommation éphémère et recyclable, on voit venir Noël et les soldes, ou le presque neuf doit laisser place au nouveau neuf. C'est là toute l'ingéniosité de notre civilisation. On a su se créer un monde ou une boite rentre dans une boite un peu plus grande, qui elle-même ira dans une autre boite du modèle au dessus.
Petit mes parents m'emmenaient à la montagne, les Alpes, aujourd'hui j'ai compris que cela était une connerie, les tours de ma Banlieue m'offre un panorama des plus reposant et ne venez pas me parler d'air pur, l'odeur d'une merguez qui grille les soirs d'été, adossé à la cheminée du 33ème étage vaut tout l'or du monde, lorsque je me sens seul je vais regarder les lumières dans la nuit s'éteindre une à une, toute cette énergie, quelle force, on dirait une incroyable guirlande qui serpente au milieu de toutes ces formes brutes et de cette  flore sauvage et intacte.
Pour le spectacle, on fait dans le Shaekspearien, drames et lamentations tragiques font la une du supplément quotidien parce qu'on est fier de nos modèles négatifs, très jeunes nos enfants ont pour idoles, dealers, déliquants (détectés dès l'enfance à l'aide de puces secrètement implantées sous leur peau), stars de la télé-réalité, rappeurs gangsters, loosers et sportifs du dimanche.
D'ailleurs dès les beaux jours fleurissent les rassemblements d'équipes, qui se rangent étrangement par taille d'un bout à l'autre de la rue, de l'impasse, du square, des plus petits, jeunes padawan, aux plus grands, détenteurs de la force du côté obscur. Fuck maitre yoda !

J'ai le langage qui est le mien, rien à foutre qu'il ne plaise pas aux institutions, parce que j'ai conscience que l'Art n'a de science que le sens que lui donne le quartier. Je ne revendique aucune appartenance autre qu'à l'endroit d'ou je viens, mon regard se porte donc en spectateur sur cet environnement et au delà de ses "frontières" sur le monde qui nous entoure et nous influence. J'ai aucun problème à être à NYC ou ailleurs, car j'ai conscience de l'influence énorme que la culture américaine par exemple a eu et a encore sur nous, sur moi. Je n'en fais pas de jugement dans mon travail, une critique, des constats à la rigueur, déja car passer le balais en bas de chez nous ne nous ferait pas de mal de temps à autre et aussi car la critique et le questionnement aident à comprendre pourquoi telle ou telle chose a eu un tel impact, une telle incidence sur notre évolution en tant qu'être, que civilisation, si je prend le Hip hop, ne serait-ce que ça, comme le dit youssoupha, "ou t'as vu un reggaeman qui nique la Jamaïque?"
Moi je suis pas un artiste français, pas un artiste parisien, rien à voir entre eux et nous, je suis français mais je suis un banlieusard avant toute chose. Mon oeuvre est banlieusale, elle marche pas dans les clous, jamais à la page comme ceux de la Bastille, elle est portée par les gens qui charbonnent à 5h30 et qui te montrent une réelle fierté lorsqu'ils parlent de ton travail, eux qui n'ont pas tous la chance d'avoir été bercés dans un milieu socio-culturel toujours très élevé.

Et là je suis dans OZ, for real, le bien & le mal font leur lessive ensemble, les crapules jouent avec de futurs as de la finance, les inconnus partagent le même air que les futures stars, tout le monde est pote lorsqu'on sent les euros dans l'air, on sue, on pisse, on saigne tous de la même manière, car une fois la Lune couchée, on reste tous des enfants effrayés lorsque la tête s'effondre sous l'oreiller."



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